« Nous avons progressé de 2 000 litres par vache en quatre ans »
Il a fallu quatre ans à la SCEA des Castelets pour atteindre les 12 500 litres par vache. Des veaux aux vaches taries, elle a revu de fond en comble la conduite de son troupeau. Son nouvel objectif est de maintenir ce niveau de production.
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Un niveau d’étable entre les 12 000 et 13 000 litres par vache ne s’obtient pas d’un coup de baguette magique. L’exploitation de Mathilde Pupin et Édouard Bigot opère un virage à 180° depuis 2020. L’année précédente, le troupeau comptait 85 vaches à 9 270 l livrés par vache dans un système fourrager intensif maïs ensilage + pâturage sur 20 ha tournants dynamiques.
Il s’est agrandi depuis de 35 laitières. Les 110 en lactation et les taries sont aujourd’hui en zéro pâturage et pointent entre 12 100 litres et 12 630 litres livrés par vache (résultat comptable). Seules les génisses gestantes pâturent. « Vu de l’extérieur, le zéro pâturage paraît incongru. Les 68 ha de prairies en majorité sur sols sablo-limoneux bénéficient de notre Cotentin bien arrosé. Mais notre conduite du pâturage ne nous satisfaisait pas. Les vaches supportaient mal d’ingérer rapidement la ration à l’auge avant de rejoindre les paddocks. Elles subissaient des variations de pH ruminal », se rappelle Édouard Bigot, en Gaec avec son père jusqu’en août dernier. Depuis le 1er septembre, il est associé avec Mathilde Pupin, qui est aussi sa conjointe, dans une SCEA. Elle est arrivée en 2022 sur l’exploitation en tant que salariée. « Le Gaec a dû surmonter aussi d’importants soucis de santé. Nous étions confrontés à un problème de main-d’œuvre. » La stabulation paillée à la surface insuffisante amplifiait le trop-plein de travail. « Il fallait ébouser l’aire paillée matin et soir », se souvient l’éleveur.
La mise en route, en octobre 2020, de deux robots pour y remédier a servi de déclencheur aux évolutions fourragères. Le père et le fils auraient pu à l’époque réduire le troupeau et investir dans un seul robot. Mais l’envie d’une entreprise toujours en développement avec des vaches productives les a fait pencher pour deux.
Arrêt du pâturage en 2023
Mathilde Pupin partage aujourd’hui cet objectif. « Nous avons maintenu le pâturage en 2021, mais l’avons mal vécu, reprend Édouard Bigot. Il fallait aller chercher les vaches dans les paddocks pour les emmener aux robots. » Le pâturage s’est tout de même poursuivi en 2022. Il leur apportait une bouffée d’oxygène car elles vivaient dans un bâtiment surchargé. Même si l’arrivée des robots s’est accompagnée de l’installation de 92 logettes, ces dernières étaient insuffisantes pour héberger les 110 vaches en lactation. Soucieux de rentabiliser rapidement les deux robots, les associés avaient en effet augmenté le troupeau au-delà de la capacité de couchage du bâtiment. Son extension avec 32 logettes supplémentaires et le confort qui va avec (logette avec matelas et 500 g/jour de farine de paille, un couchage par vache et une aire paillée de repos pour 5 laitières, 108 places aux cornadis) a mis fin au pâturage l’an passé. Ces bouleversements ne se sont pas faits sans accrocs. Les associés ont subi 45 mammites en quatre mois en 2020 et 87 mammites en 2021. « Nous étions le nez dans le guidon. Il fallait réagir et, des veaux aux vaches taries, nous avons remis toutes nos pratiques à plat. Dans ces moments de transition, il est important d’être techniquement et humainement bien accompagné. » Eux ont choisi des conseillers indépendants, dont Jean-Louis Hérin.
Résoudre le problème de main-d’œuvre d’abord
Cette refonte nécessitait d’abord le renforcement en main-d’œuvre de l’exploitation. Le salarié Nicolas Mesnil est embauché en 2021 pour les travaux des champs. Il est rejoint par Mathilde puis par un vacher qualifié et une apprentie, tous deux en soutien auprès des animaux pour un équivalent temps plein.
Le passage à la ration semi-complète via les deux robots et une plus grande attention à la qualité des fourrages distribués sont les autres tournants décisifs. Le premier permet, logiquement, d’adapter l’apport de concentrés au niveau de production de chaque laitière. Le second a nécessité des changements fondamentaux. Sans doute le plus important est-il une ration bien mieux mélangée par l’abandon de la remorque distributrice en 2022. « Notre voisin, qui s’est équipé d’une mélangeuse automotrice, nous a proposé de distribuer chaque jour la ration des vaches et des génisses. » Le couple y voit trois intérêts. « La ration est bien mieux valorisée par les animaux. Les fronts d’attaque nets des silos limitent les reprises en fermentation. Nous gagnons en temps de travail. »
Parallèlement, la construction d’un silo de maïs ensilage supplémentaire, fait avec Nicolas Mesnil en 2021, permet un stock de report de trois mois, et surtout d’assurer une transition de deux à trois semaines entre le maïs ensilage de l’année précédente et celui de l’année, qui a eu le temps de fermenter.
Des coproduits pour densifier la ration fourragère
L’arrêt du pâturage a supprimé la transition alimentaire au moment de la mise à l’herbe.
En amont, Mathilde et Édouard sèment des variétés de maïs plus riches en amidon pour densifier en énergie la ration fourragère. Ils réservent les ensilages d’herbe concentrés en azote aux laitières (lire l’encadré ci-dessous). L’objectif est de produire le maximum de lait avec les fourrages. Mais ce n’est pas suffisant pour soutenir des productions à 37 kg de lait et plus. Sur les conseils de Jean-Louis Hérin, ils ajoutent de la matière grasse sous forme de coproduits. Un bâtiment de stockage divisé en trois cellules a été construit en 2023 pour préserver leur qualité.
Des moyens alloués aux vaches taries
Ce travail de précision pour dépasser les 12 000 litres par vache s’étend aux vaches taries. « Jusqu’en 2020, leur préparation au vêlage n’était pas correctement réalisée, conduisant en particulier à des rétentions placentaires. » Les éleveurs ont corrigé le tir, allant jusqu’à mettre en place l’acidification totale de la ration. Elle est contrôlée chaque semaine par le pH urinaire de quelques femelles. Un second contrôle est réalisé après-coup par la mesure du taux de calcium, des corps cétoniques et de la glycémie sur les fraîches vêlées. Il détecte également celles en acétonémie qui ont besoin d’un apport de propylène glycol. Convaincus que la conduite des taries est déterminante pour leur lactation à venir, les éleveurs ont intégré à l’extension de la stabulation laitière de 2023 cinq cases.
Les génisses ne sont pas oubliées, avec là encore une remise en cause de ce qui était pratiqué. Les résultats sont concluants : l’âge au 1er vêlage s’est abaissé de 5 mois depuis 2020 (23 mois en 2024). « Elles sont toutes élevées et inséminées pour avoir du choix dans le renouvellement du troupeau. Celles non retenues sont vendues, indique Mathilde, en charge des jeunes animaux. Un troupeau à haut niveau passe par la réforme des laitières moins performantes. Celles ayant un problème de mammites ou de pattes sont réformées, tout comme les non-gestantes à 200 jours. Nous nous en séparons lorsque leur production passe sous les 25 kg par jour. » Les jeunes éleveurs poursuivent leurs efforts sur la prévention des mammites et des boiteries. Le partenariat avec le vétérinaire sur la reproduction est plus que jamais maintenu. « Notre niveau d’étable s’est amélioré progressivement par de multiples efforts convergents. Nous savons que, pour une raison ou une autre, il peut redescendre brusquement. » Leurs 178 000 € d’annuités bancaires en 2024 les obligent à la performance technico-économique. Ils sont en train d’atteindre leur objectif de 1,6 Ml.
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